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Netanyafolie le blog
2 février 2013

DEVELOPPEMENT DU GRAND RABBIN DE FRANCE G.BERNHEIM SUR LE MARIAGE GAY

Réponse au grand rabbin sur le mariage gay

Ferry, Luc

Dans un récent essai sur le mariage homosexuel, l’homoparentalité et l’adoption, le grand rabbin de France, Gilles Bernheim, s’est efforcé de développer, par-delà les polémiques, quatre arguments contre le mariage gay. Il faut les examiner avec soin car ils témoignent d’une volonté de débattre au fond qui mérite d’être saluée.

Son document commence par souligner l’absurdité de l’expression « mariage pour tous ». L’amour, en effet, ne justifie en rien qu’on se marie en toutes circonstances ni que tous puissent le faire. On ne peut pas, par exemple, épouser une femme déjà mariée, ni épouser sa fille ou ses frères et sœurs, ni dix personnes à la fois, fût-ce au nom de l’amour. Imparable !

Son second argument rejoint celui de certains psychanalystes. Il tient que le brouillage de la filiation inhérent à ces unions inédites sera pathogène : il empêchera l’enfant de se situer dans la chaîne des générations comme par rapport à des identités sexuelles structurantes.

En troisième lieu, il pourfend à juste titre l’idéologie du « droit à l’enfant », ce dernier n’étant pas un objet qu’on commande dans un magasin, mais un sujet libre, une personne.

Enfin, et c’est là l’essentiel, il critique la « théorie des genres » selon laquelle l’identité sexuelle ne serait pas une donnée naturelle et biologique, mais une construction sociale, seule « l’orientation sexuelle » devant dès lors être prise en compte. Revenant à la Bible, il entend montrer comment la différence sexuelle aurait pour signification spirituelle, voulue par Dieu, de me faire comprendre que je ne suis pas le tout de l’humain, que j’ai besoin d’une altérité, d’une transcendance, celle de l’autre sexe, pour perpétuer l’humanité, et que cette altérité irréductible doit être préservée comme un trésor commun au lieu d’être niée au nom d’une remise en cause de l’un des piliers millénaires de nos sociétés.

Que pourrait répondre un partisan du mariage gay à ces objections développées si posément ? D’abord qu’il ne s’agit nullement de nier la transcendance ni l’altérité, mais, tout au contraire, d’étendre le beau raisonnement du rabbin Bernheim à tous les êtres humains, quel que soit leur sexe : oui, en effet, nous sommes finis ; oui, c’est vrai, nous avons besoin des autres ; oui encore, ils sont transcendants par rapport à nous. Tout cela est juste, mais ne se réduit nullement à la différence sexuelle. Un partisan du mariage gay ayant lu Lévinas pourrait faire valoir que c’est le « visage de l’autre » en général, homme ou femme, qui me transcende, pas son sexe. La différence sexuelle n’est qu’une donnée naturelle, pas une réalité morale, sauf à y voir une intention divine, l’identité biologique étant alors interprétée, selon les termes du rabbin Bernheim, « comme un fait de nature pénétré d’intentions spirituelles » - propos peu convaincants pour un non-croyant qui tient pour superstitieux le fait de lire comme spirituel et intentionnel ce qui n’est que factuel et naturel. La foi est certes respectable à titre privé, mais elle ne saurait prétendre être source de la loi dans une société laïque. Or, sans la foi, la nature n’est que nature et la différence sexuelle n’a rien de divin.

Certes, l’homoparentalité, le rabbin Bernheim a à nouveau raison, pose un problème différent du mariage puisqu’il engage un tiers, l’enfant. Toutefois, l’éducation ne se réduit nullement à la filiation. À la limite, on pourrait plaider qu’elle n’a même aucun rapport avec elle. Elle réside avant tout dans la transmission de trois éléments : l’amour, la loi et la culture. Sans l’amour, nos enfants n’auront pas ce que Boris Cyrulnik appelle la « résilience », la capacité de rebond face aux accidents de la vie. Sans la loi, ils n’entreront pas dans l’espace du « symbolique » (Lacan), dans la civilité de la vie commune. Sans les grandes œuvres et les savoirs, ils ne seront pas « équipés » pour interpréter le monde, pour s’y repérer et se comprendre eux-mêmes. Or, tout cela, les parents adoptants le savent bien, n’a guère de lien a priori avec la filiation. Au nom de quoi pourrait-on prétendre que des homosexuels seraient incapables de transmettre ces trois enseignements ? Je partage ce point de vue, mais le débat qui s’ouvre engage des questions de fond. Nous devrions tous pouvoir admettre, par-delà les passions polémiques ou haineuses, qu’il n’est pas indigne d’avoir sur ces sujets des divergences de vue.

La conclusion que j’en tire est que dans l’intérêt de tous, le gouvernement serait bien avisé de prendre le temps de convaincre plutôt que de passer en force.

www.lucferry.fr

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