Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Netanyafolie le blog
17 février 2013

DE S. TRIGANO SUR ACTUALITE JUIVE

Controverses (controverses@dialexis.org)
Pièce jointe
16/02/2013
À : Controverses
Image de Controverses
2 pièces jointes (total 232,2 Ko)
Télécharger La visite des imams.pdf (88,7 Ko)
La visite des imams.pdf
Télécharger
Télécharger ''Deux peuples, deux états''.pdf (143,5 Ko)
''Deux peuples, deux états''.pdf
Télécharger

 

 

La visite des imams

 

Shmuel Trigano Chronique sur Actualité juive du 14 février 2013 et Radio J, le vendredi 15 février 2013

 

La récente visite des imams sous la conduite de l’imam Chalghoumi au Mémorial de Drancy constitue un événement, sauf vérification de la représentativité des membres de la délégation. N’empêche, cette visite en nombre fait signe. Cependant, l’événement a une portée différente selon que l’on se situe au plan des signes politiques ou à celui des symboles.

 

Sur le premier plan, la visite enfreint avec audace un tabou idéologique et politique répandu dans le monde arabo-musulman : le négationnisme de la Shoah qui s’inscrit dans la doctrine du complot juif mondial au profit du sionisme.

 

Sur le deuxième plan, une question de fond se pose : en quoi « reconnaître » la Shoah ou compatir à sa mémoire constituerait un acte de conciliation, de « reconnaissance » promouvant la fraternité judéo-arabe en France, un acte militant contre l’antisémitisme présent dans le monde arabo-musulman ? Est-ce que la Shoah constitue le problème central de l’hostilité du monde arabo-musulman envers les Juifs ?

 

Cette question a un « double fond ». Le geste des imams, après tout, se détermine par rapport à une donnée de la réalité, c’est à dire à ce qu’ils entendent des Juifs, de leurs représentants, de l’opinion publique, de l’État (Valls le représentait) qui ont donné à penser que c’était là le nœud du problème. Or ce qui est en souffrance dans le rapport islamo-juif, ce n’est pas la Shoah mais la légitimité de l’État d’Israël, la reconnaissance de l’historicité et de la liberté d’un peuple juif et du judaïsme. C’est aussi le contentieux qui résulte de l’antisémitisme dont les Juifs ont souffert pendant des siècles sous la loi de l’islam. Un million de Juifs ont été chassés du monde arabe au XX° siècle. Le fait que 600.000 d’entre eux aient trouvé refuge en Israël prend tout son sens sous le jour de la guerre d’extermination permanente que le monde arabe livre à Israël..

 

Mais tout cela est l’objet d’une occultation générale. On peut même craindre que mettre la reconnaissance sous le signe de la Shoah ne fasse qu’approfondir encore plus la haine des « banlieues » car cela revient à poser les Juifs comme victimes absolues alors que le monde arabe, le monde post-colonial se sont engagés dans une concurrence victimaire avec eux, au point même de faire de l’État d’Israël l’incarnation du bourreau nazi ou, pour l’extrême gauche, de voir dans le sacré de la Shoah le paravent du « crime colonial ».

 

Les imams n’ont pas franchi ce seuil. Ils sont restés dans leur rôle au Mémorial : ils ont prié, exalté l’islam, « religion de paix », et la cérémonie a fini par un dîner d’apparat en l’honneur de l’anniversaire du prophète de l’islam – au prix d’une confusion des genres lourde de sens sur le plan symbolique.

 

Mais les Juifs étaient-ils à leur place ? Leur présence attestait ipso facto que la pomme de discorde judéo-arabe est la Shoah.

 

Quant à l’État, était-il à sa place ? La politique qui est la sienne depuis 20 ans, instrumentalise les religions pour obtenir la sécurité et la paix civile, alors que cette tâche doit être son privilège. Dans cet événement, on décrypte surtout le fait que la mémoire de la Shoah est devenue un sacré civil et laïque, intégré dans le sacré républicain. Le reconnaître, ce serait faire preuve de civilité et de bonne compagnie. De ce point de vue, la démarche des imams est davantage destinée à l’opinion française et à l’État qu’aux Juifs et surtout aux Juifs avec lesquels le monde musulman a un contentieux.

 

Dans cette gestion symbolique de la Shoah de surcroît, la victime considérée est tenue pour « humaine » et « universelle », anonyme, de sorte que le Juif réel s’y voit escamoté au point que, lorsqu’il s’affirme, il apparaisse comme un bourreau nazi.

 

Nous avons là un des principaux ressorts du nouvel antisémitisme et une des causes pour lesquelles il n’est pas reconnu pour ce qu’il est, un fait politique, mais abordé restrictivement comme un racisme d’extrême droite ou une inimitié « ethnico-religieuse », une « tension intercommunautaire »  face auxquels on ne pourrait répondre que par la compassion victimaire ou des cérémonies de pacification communautaire.

 

* A partir d’une chronique sur Actualité juive du 14 février 2013 et Radio J, le vendredi 15 février 2013.

 

 

 

« DEUX PEUPLES, DEUX ETATS », L’AVENIR D’UN SLOGAN

 

Shmuel Triganochronique sur Radio J, le vendredi 1er février 2013

 

« Deux peuples, deux États », ce slogan bien peaufiné par les publicitaires politiques, a fini par s’imposer dans le débat sur le Proche-Orient et être assumé par les représentants du judaïsme, de Natanyahou aux institutions communautaires diasporiques. Il est répété comme un mantra qui exprime une foi et protège quasi magiquement de la stigmatisation.

 

Le but du publicitaire, comme dans les spots pour les voitures, est de faire miroiter un horizon de facilité, de simplicité, de légèreté et, tant qu’à faire, de morale. Mais recouvre-t-il une réalité et une potentialité à venir ?

 

Rien n’est moins sûr. C’est certes l’énoncé d’un principe démocratique faisant référence à l’auto-détermination des peuples, mais force est de constater que tous les peuples n’ont pas d’État. Si on était conséquent avec ce principe, notamment au Proche-Orient, il faudrait l’appliquer, par exemple, au peuple kurde, à l’encontre de la volonté de l’Irak, de la Syrie, de la Turquie, de l’Iran. Voici, en effet, un peuple bien plus conséquent que les Palestiniens, qui compte 40 millions de personnes écartelées entre plusieurs pays qui leur sont hostiles et les persécutent. On pourrait multiplier les cas ailleurs : peuple kabyle, peuple berbère, peuple corse, etc. On ne voit pas en quoi les Palestiniens constitueraient le cas le plus important de la planète si ce n’est parce que le monde arabo-musulman en a fait son fétiche, son emblème par lequel passent toutes ses frustrations et son ressentiment.

 

Force est aussi de constater que cette idée d’étendre la démocratie à tous les pays du monde de façon militante s’est avérée catastrophique. C’était une idée du président Bush. Elle n’a produit dans le monde arabe que de la décomposition et l’avènement d’une dictature islamiste encore plus totalitaire que les régimes des anciens potentats. C’est une doctrine volontariste et irréaliste, d’une grande naïveté sur le fonctionnement des sociétés, car la démocratie ne peut se constituer que du sein d’une société, à un rythme qui lui est propre et en vertu d’une révolution mentale qui ne peut être programmée. Elle ne se promeut pas de l’extérieur. Dans le cas de l’islam, la dominance d’un islam non réformé rend impossible la démocratie.

 

C’est dans ce piège que l’Occident, sous la conduite pathétique d’Obama, est tombé en propageant le mythe d’un islamisme modéré, un mythe sans lequel il aurait bien fallu qu’il assume son erreur stratégique fatale et son échec qui date depuis son « discours du Caire ». Dans le cas de la France, par exemple, il est clair que l’intervention en Libye, destinée à promouvoir la démocratie, a provoqué la déstabilisation de toute l’Afrique sub-saharienne et la menace d’Al Qaida sur le territoire national. Récemment, on annonçait, dans le désintérêt total, que les chrétiens étaient chassés par les islamistes triomphants dans l’est de la Libye…

 

Mais ce n’est pas le seul argument. Car y-a-t-il un peuple palestinien ? Son existence est pour le moins récente. Elle date d’un changement de stratégie de l’OLP, en juin 1974, qui a décidé de jouer désormais la carte non plus de la « nation (pan)arabe » mais de la « nation palestinienne » et opté pour « le plan par étapes » (de conquête de la Palestine, sur la base de toute parcelle de territoire « libérée », dont l’Autorité Palestinienne est évidemment la première « étape »).

 

Mais où est ce peuple ? A Ramallah ? A Gaza ? En Jordanie, dont la grande majorité de la population est dite « palestinienne » ? Dans une diaspora de plusieurs millions de personnes qui demandent le droit au retour dans l’État d’Israël ?

 

Quel État, combien d’États, demande exactement le « peuple palestinien « ? A l’écouter : au moins quatre États : la « Palestine », l’État d’Israël qui cesserait d’être un État juif (défini comme apartheid) et qui devrait devenir, avec le « retour » de millions de réfugiés, un État judéo-arabe, l’État de Jordanie et l’entité de Gaza.

 

Mais ces « autorités » palestiniennes veulent-elles réellement un État, quel qu’il soit ? Justement non. A plusieurs reprises, depuis le plan de partage de la Palestine jusqu’à Barak et Clinton, les Palestiniens se sont vus proposer cette éventualité qu’ils ont rejetée car il est absolument clair qu’ils revendiquent tout le territoire de la Palestine mandataire qui comprenait, à l’origine, ne l’oublions pas, la Transjordanie, l’actuel État jordanien qui constitue en fait l’État arabe qui devait être constitué sur ce territoire mandataire pris dans sa totalité (avant que la Grande Bretagne n’en détache la Transjordanie pour en gratifier son affidé, le Sheriff Hussein).

 

Enfin, à supposer que l’Autorité palestinienne obtienne son indépendance, un État palestinien pleinement souverain, c’est à dire avec une armée, une politique internationale, etc, est-il possible sur un si petit territoire, encastré au cœur d’Israël et avec une population aussi hostile ? Justement non, et certainement pas dans la situation actuelle. Son existence ferait peser une menace vitale permanente sur l’État d’Israël dont le leadership serait bien stupide et coupable de se laisser entrainer dans un aventurisme fatal. La chose peut être démontrée par A+B. je n’aborde même pas ici la question de la survie économique de cet État quand on sait que l’Autorité Palestinienne est sous la transfusion permanente de l’argent européen…

 

Alors, je crains qu’il faille être très prudent quand on claironne ce slogan trompeur. Il enferme Israël dans une situation impossible et le met en accusation dans sa propre légitimité. Il prône une solution, certes, mais une solution létale qui programme inéluctablement sa destruction.

 

Les grands moralistes ne pratiquent pas le service après-vente. Qui se soucie aujourd’hui de l’après-intervention libyenne ? Les Libyens peuvent bien « crever » une fois que Sarkozy s’est fait applaudir en vainqueur. Nous verrons demain le Mali. Rappelons nous qu’hier les accords d’Évian signés avec le GPRA, aussitôt chassé par le FLN, ne furent jamais respectés, qu’un million de Français, se virent abandonnés par l’État gaullien et obligés de fuir, avec de surcroît l’opprobre morale jetée sur eux durablement comme l’a montré la célébration récente du 50 ème anniversaire (sic) de l’indépendance algérienne. Quel abandon terrible caractérise la politique contemporaine !

 

Je suggère donc d’attendre que le monde arabo-musulman décrète urbi et orbi qu’il reconnaît la légitimité d’un État juif, que les Palestiniens renoncent explicitement au « droit au retour » (et même alors, la confiance sera très faible à l’aune du « double discours » caractéristique de la politique de ce monde-la, la takyia islamique). Il faut chercher des solutions intermédiaires, temporaires, composites, sans doute en collaboration avec la Jordanie qu’elle soit, sur le plan de son régime, hachémite ou palestinienne. Il n’est nullement question d’intégrer les Palestiniens de Cisjordanie dans l’État d’Israël mais cela ne signifie pas que l’alternative à la situation actuelle doive être un État-OLP ou un État-Hamas.

 

Je ne doute pas que cette posture soit difficile à soutenir sous la pression idéologique actuelle mais c’est un acte de santé psychique, pour les Juifs en tout cas, de ne pas intérioriser la violence symbolique du slogan en question. Il enferme les esprits dans une prison mentale sans issue si ce n’est la stigmatisation. C’est comme si les Juifs devaient l’énoncer chaque fois qu’ils évoquent Israël pour obtenir l’assentiment de l’interlocuteur. Il faudrait assumer la politique de l’OLP pour qu’Israel ait le droit d’exister ? C’est devenu le « sésame ouvre toi » de la bonne compagnie, de la respectabilité, de la moralité.

 

Il faut retrouver l’audace du non-conformisme et du dissensus ! Il faut avoir confiance en soi. Ce n’est qu’aujourd’hui que la parole du prophète Isaïe prend sens : « Pour Sion je ne garderai pas le silence, pour Jérusalem, je ne me tairai pas ! » (Is 62,1).

 

*A partir d’une chronique sur Radio J, le vendredi 1er février 2013.

 

Publicité
Commentaires
Publicité
Visiteurs
Depuis la création 48 775
Publicité