Par Jean Tsadik
Le duel se poursuit de plus belle entre l’Iran et Israël. Les Perses, qui font pratiquement ce qu’ils veulent en Syrie, hormis les interdits imposés par Vladimir Poutine, notamment l’implantation de bases khomeynistes dans la province de Lattaquié, qui mettraient en péril l’aéroport de Khmeimim et les installations navales russes dans le port de Tartous, tentent de s’implanter à proximité d’Israël. L’Etat hébreu s’emploie à les en éloigner.
On doit se demander pourquoi Téhéran investit autant de moyens dans cette entreprise et accepte de perdre régulièrement des membres de ses forces d’élite sous les coups de boutoir du Khe’l Avir (l’Aviation israélienne) sans y parvenir.
Certains confrères affirment que la junte théocratique chiite prépare une éventuelle confrontation entre Tsahal et le Hezbollah au Liban. Dans cette optique, il faudrait agir à partir d’un second front afin d’alléger la pression que l’Armée israélienne ferait subir aux miliciens de Nasrallah. En disposant de bases de moyenne profondeur en Syrie, dont les missiles sol-sol menaceraient la population de l’Etat hébreu, cela obligerait le Khe’l Avir à diluer ses attaques sur le pays aux cèdres pour bombarder les Pasdaran en Syrie.
C’est une hypothèse indiscutable, même si Tsahal dispose de suffisamment de chasseurs-bombardiers entre autres atouts pour gérer les deux fronts simultanément et si l’éradication des positions iraniennes ne devrait pas prendre plus de quelques heures. Celles-ci sont en effet extrêmement visibles par nature, car les armes qu’elles accueillent remplissent un volume considérable qu’il est impossible de dissimuler au regard des satellites et des appareils de reconnaissance avec ou sans pilotes. La facilité relative de les éradiquer est encore accentuée par le fait que ni l’Iran ni les forces gouvernementales syriennes ne disposent actuellement des moyens de gêner l’activité des F-16 frappés de l’étoile de David.
La confrontation avec le Hezb au Liban est largement plus complexe, s’agissant d’un affrontement asymétrique face à un ennemi ayant largement recours aux techniques de guérilla en se fondant dans la population civile, y compris en dissimulant des stocks d’armes et de munitions dans des quartiers résidentiels.
Mais pour l’état-major des bleu et blanc, mieux vaut intervenir avant une guerre ouverte avec le Hezbollah que durant celle-ci, ce qui explique en partie les interventions fréquentes du Khe’l Avir auxquelles nous assistons ces derniers mois contre les implantations perses en Syrie.
Le Président israélien Rivlin, visitant, sans cravate,
le quartier général de la flotte grecque
A ce propos, nous sommes absolument convaincus que les raids aériens sont largement plus nombreux que ce qu’on annonce des deux côtés. Ces derniers jours, tous les habitants de Métula et du nord du Doigt de la Galilée voient les appareils hébreux franchir la frontière pour ne réintégrer notre espace aérien qu’après de longues minutes, voire des heures.
Or ces vols ne sont pas des vols d’entrainement : personne, en Israël, n’exposerait la vie de pilotes en les envoyant survoler des territoires hostiles sans avoir à y réaliser des objectifs aussi précis qu’importants. On peut en décrire de trois sortes :
1. La nécessité de marquer notre présence dans les cieux face à l’armada russe, dont les Soukhoï et les Mig décollent chaque jour de Khmeimim, à 240km de Métula (un coup d’aile) et de l’aéroport international de Damas, à 60km de notre frontière sur le Golan.
2. Le besoin d’effectuer des reconnaissances aériennes ; mais sur ce point, les satellites fournissent l’essentiel des informations, complétées par les drones, les mouchards électroniques et les agents au sol. Le recours à la photographie aérienne se voit donc marginalisé, à l’exception de quelques plans de détails que les autres solutions à disposition ne peuvent pas encore fournir. Quoi qu’il en soit, cette activité ne réclame pas de survols aussi massifs et fréquents que ceux que nous observons.
3. Les missions d’attaque d’objectifs au sol. Le chef du Khe’l Avir, le Major Général Amir Eshel, en passant le relai l’été dernier à son successeur Amikam Norkin, a dévoilé que ses avions avaient effectué plus d’une centaine de ces interventions, alors que dans la même période de cinq ans, celles annoncées par des sources étrangères ou, extraordinairement par Israël, n’avaient pas atteint le chiffre de vingt. En fait, on entend parler de ces raids lorsque l’ennemi les mentionne par ses canaux officiels, lorsqu’ils se produisent à proximité immédiate des grandes villes et qu’ils ont des témoins oculaires, ou lorsque ce sont des sources liées à la rébellion armée qui en font état. Hors de ces occurrences, personne n’a vent de ces opérations, et ceux qui les constatent – les Russes, les Américains et les armées des grandes puissances -, n’ont pas de raison d’en parler. Ce ne sont pas des journalistes.
En vue du raisonnement qui précède, nous sommes certains que des interventions aériennes opérationnelles se déroulent sur nos têtes et qu’elles prennent pour cibles les bases des Pasdaran, les convois d’armes à destination du Hezb et les missiles sol-air d’al Assad.
Il existe une autre raison qui pousse les Iraniens à tenter de se déployer à proximité d’Israël ; celle attenant à leur propre sécurité. Ce, car un immense déséquilibre existe entre les moyens à disposition des deux camps. D’une part, Tsahal peut frapper n’importe quelle partie du territoire des ayatollahs au moment qu’il a choisi et avec une précision de moins de trente centimètres de la cible visée grâce à ses missiles de moyenne portée. A cela s’ajoute la possibilité de chapitrer la Perse avec l’Aviation, les drones et des sous-marins de la classe Delphin, qui se trouvent très probablement en plongée, pendant que je rédige cet article, à quelques encablures du bastion chiite.
On parle déjà d’une capacité dissuasive énorme, qu’il faut encore augmenter par la possibilité des Hébreux de recourir, en cas d’absolue nécessité, à l’arme atomique qui équipe, selon des sources étrangères, entre 200 et 400 missiles. De quoi détruire la dictature de Khameneï un certain nombre de fois.
Face à ces dispositifs colossaux, et surtout imparables, Téhéran ne dispose pas d’armes atomiques, ni d’aviation capable de menacer Israël, et encore moins de sous-marins indétectables porteurs de missiles. Pour ne rien arranger aux affaires des Iraniens, leurs missiles à longue portée, encore au stade expérimental, sont terriblement imprécis. Probablement afin de les tester, l’Armée iranienne avait tiré, en juin dernier, six missiles balistiques Zolfaghar [le nom du sabre à deux lames de l’Imam Ali] contre DAESH, à l’extrémité orientale de la Syrie, à 500km de distance, et aucun n’avait atteint son but (trois sont tombés en Irak !). Encore ne se sont-ils pas frottés aux missiles anti-missiles Khetz-Arrow-Flèche, qui auraient pu les intercepter et laisser ainsi le ciel iranien sans défense face à la riposte inévitable des Hébreux.
En revanche, les khomeynistes détiennent des missiles à courte portée – de l’ordre de 100 à 250km –, principalement de type Fateh-110 [le conquérant] relativement précis ; ce qui signifie que, plus ils s’approchent de l’Etat hébreu, plus ils comblent une partie du déséquilibre qui joue si nettement en leur défaveur.
Nous possédons les éléments suffisants pour poser cette équation de manière plus claire encore : faute d’installer des bases en Syrie à faible distance des villes israéliennes, la junte théocratique chiite ne dispose d’aucune arme à même d’inquiéter les Hébreux.
Il reste certes à la dictature iranienne ses supplétifs libanais du Hezbollah, ses 100 000 roquettes et ses 1-2 000 missiles, mais Tsahal a fait le nécessaire afin que peu d’armes qualitatives et pas de missiles antiaériens performants n’atteignent le Liban.
La situation qui prévaut fait que, dans tous les cas de figure, le déclenchement d’une guerre par les Perses ou leurs proxys, que ce soit un conflit de proximité – Israël-Hezbollah -, un conflit à distance Israël-Iran, ou un conflit mixte, Israël-Hezbollah au Liban, avec des échanges de missiles et autres politesses entre Jérusalem et Téhéran, consisteraient en des entreprises suicidaires pour les ayatollahs. Elles débuteraient certes par des morts en Israël, essentiellement civils, entre 100 et 3 000, et se termineraient inéluctablement par l’oblitération des agresseurs, soit le Hezbollah, soit l’Iran, soit les deux. On peut même affiner la prévision et affirmer que le niveau d’anéantissement des agresseurs serait proportionnel à l’ampleur de leur attaque préliminaire. Jérusalem ne va, en effet, pas anéantir l’Iran et sa population otage de ses dirigeants parce qu’ils envoient un drone d’observation sur Bet Shéan. Mais s’ils prennent le risque de lancer sur Israël des missiles non-conventionnels (chimiques, gazeux ou bactériologique), ils s’exposent au double risque de n’atteindre aucun objectif et d’être broyés lors de la riposte.
On peut aller encore plus loin dans notre analyse, et affirmer que les tentatives des Pasdaran de s’implanter en Syrie face à Israël sont de toutes façons inutiles en considération des arsenaux à disposition des uns et des autres. C’est aussi la raison pour laquelle nous considérons qu’une guerre opposant le Hezbollah à Israël, à l’initiative de la milice chiite, reposerait sur une décision illogique ou sur un ordre de sabordement venu du mentor iranien. Je ne suis pas même certain que si un tel ordre était transmis par Khameneï à Nasrallah, ce dernier l’exécuterait, car personne de sensé ne court à sa propre perte s’il peut faire autrement.
Le seul risque de conflit que je peux concevoir serait celui d’un embrasement accidentel avec accentuation systématique du niveau des représailles. Mais ce scénario n’échapperait pas, au fond, à la logique que j’ai démontrée, il resterait irrationnel et suicidaire.
Dans l’entre-temps, la "République" Islamique d’Iran poursuit ses tentatives d’enracinement entre 40 et 300km de nos frontières. A notre avis, les ayatollahs n’essaient ainsi que de créer l’esquisse d’une contre-menace rééquilibrante face à Israël : d’amener Jérusalem à hésiter si elle désire se lancer dans une guerre préventive contre le Hezbollah au Liban ou contre les Iraniens en Iran.
C’est ainsi que la chaîne américaine FOX vient de dévoiler les images satellites d’une nouvelle base iranienne en construction sur la montagne de Sharqi [Jebel ash Sharqi][voir la carte], à moins de dix kilomètres à vol d’oiseau au nord-ouest de Damas et du palais présidentiel de Bashar al Assad.
La base iranienne en construction sur le Jebel ash Sharqi
L’emplacement choisi pour cette base n’est pas étonnant : elle se trouve à courte distance de celle de Jomrayah, déjà frappée à deux reprises par le Khe’l Avir, et d’autres positions stratégiques des divisions du régime, du palais présidentiel et de l’aéroport militaire de Mezzé, lui aussi plusieurs fois pris pour cible par l’Aviation israélienne, avec son abominable centre de torture géré par les bourreaux du renseignement de l’Armée de l’air gouvernementale.
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